Il y a en France 4 à 5 millions de personnes alcoolo-dépendantes, 13 millions de fumeurs de cigarettes et 1.6 millions de consommateurs réguliers de cannabis. On sait aujourd’hui que le cannabis, par son actif le tetrahydrocannabinol (THC) et ses dérivés, peut avoir des effets positifs sur certaines pathologies. Et récemment, un éminent professeur, connu de ses congénères comme un fervent acteur de la lutte anti-tabac, s’est prononcé pour la légalisation de cette drogue dite "douce".
Tout le milieu médical fut surpris de voir ce professeur médiatiser ses réflexions avant même d’en discuter avec ses confrères autour de conférences ou de débats organisés. Mais les médias ont bien volontiers repris les dires de cet homme pourtant si bien cortiqué. La stratégie serait de légaliser le cannabis sous sa forme végétale ("herbe", "beuh", "marijuana") pour contrôler sa distribution et remplacer le tabac ! Mais à se concentrer sur sa lutte contre le tabac, drogue "dure", il en oublie la dangerosité du cannabis, certes moins addictive (d’où le terme drogue "douce").
Rappelons que cette plante est généralement fumée avec l’addition de tabac, provoquant ainsi une dépendance forte. La combustion se fait alors 200°C au-dessus du tabac seul, donc une augmentation de la décomposition thermique des éléments fumés. La conséquence est une inhalation de 7 fois plus de goudron et de 5 fois plus de monoxyde de carbone (CO) dont on connait les conséquences sur les poumons et les risques cancéreux. Ce qui est moins connu, c’est que le cannabis est devenu la 3ème cause de déclenchement d’infarctus, augmente l’artérite des membres inférieurs et les AVC chez les sujets jeunes. Il est aussi responsable de désordres de la production de spermatozoïdes et de cancers des testicules.
Ce n’est pas souvent, mais le tabac dans l’association provoque des effets positifs : stimulation de l’éveil, de l’attention, de la mémorisation, réduction de l’endormissement au volant, protection probable de la maladie de Parkinson… Le cannabis, lui, est sédatif et psycholeptique, et il ne fait pas bon ménage avec l’alcool, notamment au volant. Sa consommation amène sur le long terme schizophrénie, anxiété et dépression avec parfois risque suicidaire...
Et nos jeunes adolescents, toujours volontaires et désireux de tester toujours plus fort, vont très vite rentrer dans cette drogue, dont la consommation sera maintenue par le tabac. Un pas encore plus vite fait pour aller dans les drogues plus dures encore (héroïne, cocaïne…). Quand on pense que 70% des buralistes ne respectent pas l’interdiction de vente aux mineurs…
La légalisation du cannabis pour lutter contre le tabac est donc une hérésie, plus dangereuse encore que le tabac lui-même dont il faudrait d’ailleurs interdire et punir l’usage chez les mineurs. N’oublions pas que la légalisation du cannabis entraînerait une augmentation des prix d’achat (taxes et sécurisation du réseau de distribution). Les 1.6 millions de consommateurs réguliers doivent donc accepter l’idée que leur consommation dangereuse doit rester une volonté personnelle en connaissant les risques sur leur santé et les risques légaux. La seule légalisation possible sera médicale et dépourvue au maximum des effets euphorisants recherchés par certains.
Dr Xavier MOSNIER-THOUMAS